INTERVIEWS

Alexis Tuersley & Virginie Hucher

France, février 2022

Virginie Hucher  est une artiste plasticienne française qui développe une esthétique majoritairement abstraite. Elle est avant tout un corps, un esprit en perpétuel mouvement. 

Le mouvement transpire à travers les créations de Virginie, je les observe, j’entends Lakme ou la Wally en fond et mon être tout entier est transporté à l’orée d’une forêt dense, les chants d’oiseaux me parvenant avec une clarté juste et étonnante.  

Dans la lignée du land art, cette passionnée de danse et de musique improvise des esquisses sur le sable, la neige, la terre et l’eau, avant de traduire ses idées au travers de divers médiums : acrylique, huile, performance, sculpture. 

De la créativité de Virginie naissent toutes sortes d’émotions. En ce qui me concerne, la démarche artistique de cette archéologue de la nature, me plonge dans l’apaisement, dans le tutoiement de l’être et le rapprochement organique de l’espèce humaine. Providentiel.

 

ENG/ Virginie Hucher is a French, mainly abstract, visual artist. She is first and foremost a body, a spirit in constant mouvement. 

Mouvement is central within Virginie’s work, I observe it, hear Lakme or La Wally in the background, and my whole body is transported within reach of a dense forest, birds singing high and strong. 

Following the concept of land art, being passionate about danse and music, Virginie improvises drafts and sketches in the sand, the snow, the earth and water, after which she translates those same ideas through different mediums such as acrylic and oil painting, performance and sculpture.

Thanks to Virginie’s creativity many emotions arise. As far as I am concerned, the artistic process of what I would call an archeologist of nature plunges me into a state of healing, during which I feel as close as I can get to my soul being and the reste of humanity. Providential reading. 

 

FR/ Pouvez-vous vous présenter ? 

Je suis artiste plasticienne, je dessine, je peins et je sculpte. Mais j’ai d’abord commencé par danser, très tôt, à l’âge de deux ans. Ma mère, chorégraphe, m’emmenait toujours avec elle, lors des répétitions et des spectacles. C’est par le mouvement, cette forme d’art vivant que le dessin, la peinture et la sculpture sont entrés dans ma vie. C’est la notion de “faire corps” qui a construit mon univers artistique. Le corps inscrit dans l’espace-temps m’a conduit à créer des formes de vies, des chorégraphies du vivant. Pour créer une œuvre, je passe d’ailleurs par la performance, par une série que je nomme “Supports vivants” (dessins sur le sol, sable, neige, eau, terre). Elle s’inscrit dans une démarche de libération du corps et de l’esprit et dans une improvisation totale in situ, pour laisser la spontanéité opérer, et observer l’ensemble grâce à des sortes de reportages, photos et vidéos pour ensuite étudier les croquis réalisés sur ce que j’appelle les “Supports vivants”. Il s’agit donc de médium à part entière, qui me sert d’appui pour mes créations sur papier, toile et en céramique. C’est un processus créatif qui libère et qui induit d’autres formes d’art

 

ENG/ Can you introduce yourself ?

I am a visual artist, I draw, I paint and I sculpt. But first of all I was a dancer, I started at a very young age, around two. My mother was a choreographer and would take me along with her to attend rehearsals and shows. It’s through mouvement that art such as drawing, painting and sculptoring entered my life. Its the sense of being ‘as one’ that constructed my artistic world. The body taking shape in a time-space is what drove me to create different forms of life, live choreographies. To create a new project, I use performance art, through a series that I name “Supports Vivants” (drawings on the ground, in the sand, snow, water, earth). The idea is to free the mind and body through in-depth improvisation and spontaneity, to observe the result through reportages, photos and videos and then study the sketches that come through. It’s therefore a totally seperate medium that serves my paper, paint and ceramic creations. It’s a very liberating creative process that induces new forms of art. 

 

 FR/ A quel moment avez-vous commencé à créer ? 

C’est par la découverte du monde que la création est arrivée. Chaque sensation marque un début de création. La danse est la première forme d’art qui s’est proposée à mon langage artistique, puis très vite est arrivée la peinture, sans jamais cesser la danse. J’ai grandi entre la région parisienne et la campagne, entre la Baie de Somme et la Normandie, un paysage altéré, oscillant entre la ville et la nature, une sorte d’équilibre pour l’imaginaire.  J’ai suivi des études artistiques à Paris jusqu’à l’université en Arts plastiques. Et ensuite une spécialisation en esthétique de l’art, et en arts appliqués. Parallèlement à mes études, j’ai réalisé des expériences dans le domaine de l’architecture intérieure et de la mode, et fréquenté des ateliers d’artistes, tel que Bruno Lebel pour m’enseigner le dessin notamment. Plus récemment, je suis sur le projet de conception et réalisation de mon atelier.

 

ENG/ When did you start to create ? 

It’s by discovering the world that creation came upon me. Each sensation marks the beginning of creation. Danse if the first form of art that that entered my life, painting followed very quickly, without ever abandonning danse. I grew up between the outskirts of Paris and the countryside, between the Baie de Somme and Normandy, an altered landscape, fluctuating between town and nature, a good balance for the imagination. I studied art at university in Paris. I then specialised in art aesthetics and applied arts. Alongside my studies I experimented within the interior design and fashion world, and attended artists workshops, such as Bruno Lebel who taught me how to draw. More recently I am working on the design project of my atelier.

FR/ Quand et où vous sentez-vous la plus créative?

Il n’y a pas de moments ou de lieux précis pour cela.

 

ENG/ When and where do you feel the most creative?

 There are no precise moments or places for that.

FR/ Qu’est-ce-qui vous inspire dans votre travail ? Quelles sont vos plus grandes influences artistiques ? 

Tout peut être sources d’inspirations, cependant, il est nécessaire de les canaliser, de les organiser. C’est pour cela que je travaille avec des carnets, des photos, des vidéos, tout enregistrer sur des supports différents, se poser, et revenir dessus, parfois des mois, des années mêmes!

La nature est un thème récurrent dans mon travail, parce que je vis et travaille dans la nature, et parce que je voyage beaucoup, pour réaliser d’ailleurs la série “Supports vivants”. Le corps est très présent également dans mes recherches, en passant par la danse, et également par l’idée taoiste c’est-à-dire qui se fonde sur l’existence d’un principe à l’origine de toute chose, sur la naissance etc …

Mes influences artistiques sont diverses et varient selon un moment, un état. L’univers de Constantin Brancusi, de Fabienne Verdier, la peinture italienne de la renaissance, les sculptures de Henry Moore, Marta Pan, Jean Arp, les oeuvres de Picasso, la série sur la danse de Matisse, les chorégraphies de Pina Bausch et de Maurice Béjart, la musique africaine, Barbara, Serge Gainsbourg et l’univers de Cocteau. Mais c’est une réponse qui peut changer selon le moment où elle est posée, bien que ces artistes restent des piliers.

 

ENG/ What inspires you? What are your biggest artistic influences ? 

Everything can be inspirational, it is above all necessary to channel and organise the different elements. Which is why I work with notebooks, photos, videos,. I record everything as much as possible, let it sit, and then come back t it, months, sometimes years later !

Nature is a recurring theme in my work, because I live and work in nature, and because I travel alot, often for the “Supports Vivants” series. The body is also very present in my work process, through danse and the concept of taoism which believes that the Tao is the source of everything and the ultimate principle underlying reality, birth etc …

My artistic influences are very diverse and vary alot, due to the moment or my frame of mind. Constantin Brancusi, Fabienne Verdier, italian renaissance, Henry Moore sculptures, Marta Pan, Jean Arp, Picasso, Matisse’s series on danse, Pina Bausch and Maurice Béjart’s choreographies, african music, Barbara, Serge Gainsbourg and Cocteau. As I said, it is an answer that can truly vary depending on the moment, but they are my main pillars no matter what. 

 

 FR/ Pouvez-vous nommer une femme qui vous inspire ? 

 En ce moment, Barbara.

 

ENG/ Can you name a woman who’s inspires you ? 

At the moment, Barbara. 

 

FR/ Quelle est votre tenue de travail idéale  ? 

 Je porte une combinaison ou une salopette de travail.

 

ENG/ What is your favourite work outfit ? 

I wear a boiler suit or a pair of work dungarees. 

FR/ Avez-vous un outil indispensable dans votre atelier ? 

Un mur d’images d’inspiration, une sculpture de Bruno Lebel, une vue sur la forêt, de la musique, et la présence de Vénus, ma sacrée de Birmanie.

 

ENG/ Your most important work tool in your atelier ?

A wall of inspirational images, a sculpture by Bruno Lebel, a direct view of the forest, music, and Venus, my sacrée de Birmanie. 

FR/ Comment travaillez-vous ? 

 Chaque jour et chaque nuit sont différents. J’écoute et j’accueille ce rythme.

 

ENG/ How do you work ?

Each day and night are very different. I listen and welcome that rhythm.

 

 FR/ Quelle est la partie la plus compliquée de votre travail ? Et celle qui vous passionne le plus ? 

Les expériences sont le fruit de la création. Chaque jour, tout recommencer, ce n’est pas une complication, mais un choix. C’est une façon de vivre, pour moi ce n’est pas un métier, il n’y a pas de savoir-faire, rien ne se répète vraiment. Une découverte, un mystère à chaque fois. C’est bien cela qui me passionne !

 

ENG/ Which is the most difficult part of your work ? Which do you prefer ? 

Experiences are the fruit of creation. Each day, starting all over again is not a complication, it is a choice. It’s a way of life, for me it’s not a job, there is no savoir-faire, nothing really repeats itself.  A discovery, a mystery each time. That’s what fascinates me !

FR/ Une pièce, une oeuvre ou un projet coup de coeur ? 

Je remercie infiniment toutes les personnes qui ont permis nos belles collaborations. C’est de loin, l’œuvre ultime.

 

ENG/ A piece of your work or project that you feel particulary close to ? 

I deeply thank all the people who have enabled great work collaborations together. It’s by far the ultimate project. 

FR/ Pouvez-vous définir votre travail en trois mots ? 

Vivant, Mystique, Organique.

 

ENG/ Your art in three words ? 

Lively, Mystical, Organic.

FR/ Quels sont vos futurs projets ou collaborations ? 

La création de mon atelier. Une nouvelle série sur la cosmogonie et la Polynésie. Une exposition au Luxembourg, à Metz et en Belgique. Et une nouvelle collaboration dans le secteur de la mode pour le printemps.

 

ENG/ What are your upcoming projects ?

The creation of my atelier. A new series on cosmogony and Polynesia. Exhibitions in Luxembourg, Metz and Belgium. And a new fashion collaboration for the Spring. 

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François Beauxis & Virginie Hucher

France, avril 2019

Virginie HUCHER : du « corps-objet » au « corps-sujet »

Licenciée en Arts Plastiques, et diplômée d'une école d’Arts Appliqués, Virginie a travaillé́ auprès de créateurs de mode et de décorateurs d'intérieur, puis enseigné les Arts Plastiques. Ses grandes rencontres artistiques ont été des artistes tels que Bertrand Moulin, Bruno Lebel, Michel Gouéry ou encore Marc Alberghina.

Quelle est ta recherche artistique ces dernières années ?

Je m’intéresse à l’Origine du monde vivant, à l’espace-temps, au vide et au plein, à la symbolique chromatique et animale, végétale. Ma recherche personnelle de ces dernières années se traduit avec le temps par une esthétisation de l'anima (*)et de la nuit, qui me fascine, car elle me détache du monde et entretient le mystère. Tout cela évolue en parallèle de mes recherches archéologiques que je mène depuis l’enfance.

Naissance, mort et renaissance, comment se traduisent ces cycles ?

Aux deux extrémités du cycle de la vie, il y a des corps inanimés à qui j’aime (re)donner un souffle. En mettant une âme dans ces corps, c’est ma façon de figurer les humains.  Les peaux sont blêmes comme celles des nouveaux nés, avant qu’ils ne commencent à respirer, ou comme celle des dépouilles…comme une volonté de rendre hommage au vivant.

Les têtes des personnages sont sans cheveux, quel sens donner à ce choix ?

Le côté androgyne, nouveau-né, et les morts qui surgissent sous la forma statuaire. Les cheveux sont comme des vaisseaux sanguins, ou comme des racines, ou encore des rayons de soleil. Privés de leurs chevelures, mes personnages sont coupés de leur histoire, abandonnés, habitent un monde vide, rempli de solitude. La tonte signifiait autrefois don de soi et pureté.

J’ai écrit, il y a 3 ans, ceci : « Or, c'est précisément de ces visages, de ces portraits, voire de ces autoportraits, qu'émerge l'impression violente du vide, d'une solitude, d'un abandon, d'une séparation, d'un deuil. D'une attente, qui semble prendre toute la place. Cette solitude que "chacun porte" en soi, comme une expérience unique et profondément intime. »

« Corps-objet » versus « Esprit-sujet » quelle est ta proposition artistique ?

Dans la série « Le corps et l'autre », il s’agit d'une fabrique du vivant, qui passe par une archéologie du vivant, à travers l’instant du rêve. Mon travail fait objet le corps en le structurant, voire le déstructurant. Je rends objet le corps par la symbolique chromatique, par exemple quand je peins un corps blanc-gris j'objective le corps en statuaire, en nouveau-né, et aussi quand je crée de nouvelles formes végétales, par le processus d’hybridation (surtout dans mes tous derniers travaux). Ma proposition est de rendre le corps sujet, en évoquant l'âme, et objet en évoquant les corps dans le sens physique.

Un dernier mot ?

Ne montrer que l’essentiel, déstructurer pour recréer et animer, rester sensible à la vie invisible, à la chair, au corps cellulaire, à « l’intérieur » et aux contours. Briser l’espace et le temps et affirmer sa présence au monde.

(*)L'anima(du latin anima « souffle, âme », d'où vient le terme animal) est, dans la psychologie analytique du psychiatre suisse Carl Gustav Jung, la représentation féminine au sein de l'imaginaire de l'homme. Il s'agit d'un archétype, donc d'une formation de l'inconscient collectif, qui a son pendant chez la femme sous le nom d'animus.

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Louise Coussieu-Baylac & Virginie Hucher

France, juin 2019

Virginie Hucher vit et travaille à Paris jusqu’en 2010. Depuis 2011, elle réside près d’Amiens où elle a réalisé un projet maison-atelier. 

Son travail est montré en France, en Espagne, en Angleterre, au Luxembourg et en Nouvelle-Calédonie dans des collections privées et publiques. 

 Sa pratique artistique est pluridisciplinaire et se décline en dessin, peinture, photo et  céramique.

Son travail a des dimensions métaphysiques et porte sur la relation entre le corps et le monde, l’âme, la nature, le végétal et l’organique. Ses oeuvres sont également intimement liées à la danse contemporaine qu'elle pratique depuis son enfance.

Louise Coussieu-Baylac:

 

Lorsque j’ai vu les oeuvres de Virginie je me suis d’abord interrogée sur ces corps, ces membres, qui se dédoublent et se multiplient. Me rappelant à tous ces doubles que l’on retrouve dans l’art et la littérature: les mythes de Pygmalion, de Narcisse et de l’androgyne dans le Banquet de Platon… Le double met en jeu des questions qui ont à voir avec la biologie, la psychologie ou la sociologie, et bien sûr avec les mythes.

Derrière cette notion de double se profilent la confusion du réel et de l’imaginaire, de l’effacement de la frontière entre le sensible et l’intelligible, la vie et le marbre, ou la toile peinte, et en tant que réalité forgée qui prétend rivaliser avec le « divin »… 

Nous pourrions aller très loin encore mais peux-tu nous en dire plus sur cette notion de double et de reproduction que l’on retrouve dans ton oeuvre? 

Virginie Hucher: 

 

La série que j’expose ici à la Galerie Peugeot s’intitule Le corps et l’autre, on peut donc directement  parler de la notion de double, de l’autre mais aussi de l’anima, de l’animus et de la persona. L'animus selon Carl Gustav Jung, créateur de la psychologie analytique, est la part masculine de la femme. Il s'agit d'un archétype, donc d'une formation de l'inconscient collectif, qui a son pendant chez l'homme : l’anima. Ce qui m’intéresse, c’est de peindre ce couple alchimique. Ce rapport invisible.

Louise Coussieu-Baylac:

 

Le psychologue Otto Rank interprète la notion de double comme une réponse à l’angoisse de mort. Le double est ainsi l’ombre qui représente l’âme, la partie immortelle de l’être (alors que le corps en est la partie mortelle). 

 Qu'en est-il dans tes oeuvres de cette dualité: âme/corps, nuit/jour, vie/mort?

Virginie Hucher: 

 

Pour peindre, j’ai besoin de faire cohabiter dans mes compositions, mes couleurs et mes recherches, des différences et des oppositions. Le contraste est un moyen de faire ressortir une idée. Peindre la nuit, sans évoquer la lumière ne la rendrait pas aussi mystérieuse. Toute la beauté du monde réside dans son contraire.

La naissance et la mort sont deux thèmes récurrents dans mon travail en photo, en dessin, en peinture mais aussi en volume. Ces deux pôles participent à la narration de mon univers par leur présence dans un espace-temps bien défini.  Les personnages dans ma peinture et également dans mon travail en sculpture sont souvent dénudés, sans cheveux, sans signe sexuel distinctif. Ils s’inscrivent dans un espace-temps qui traverse le passé, le présent et le futur. Venir au monde et partir de ce monde.

Louise Coussieu-Baylac:

 

On ressent très bien le lien entre ton travail sur le corps et ta pratique de la danse dans ta décomposition des membres et de leurs mouvements. Néanmoins, il y a toujours une notion de « non-réalité » induite par les couleurs, les formes « simplifiées », amplifiées (crânes chauves) ou incomplètes.

Tu disais par exemple dans l’une de tes dernières interviews que les tons gris rappellent la statuaire mais aussi le nouveau-né ou le corps mort. 

 

Pour mieux comprendre ton langage, peux-tu nous en dire plus sur ces corrélations? Que représentent ces parties du corps que tu isoles (la main, le crâne chauve, le dos…) et les couleurs que tu utilises?

Virginie Hucher: 

 

J’ai grandi dans le monde de la danse, de la musique et du spectacle. Le corps et l’esprit sont exposés au monde, l’intime et le cosmos se rencontrent. Une chorégraphie et une mise en scène s’installent en permanence pour montrer. Il y a la scène, le danseur, le public, mais aussi, les coulisses, toute la préparation du corps et de l’esprit qui va se mettre à nu et entrer en scène. Pour s’exprimer et se dévoiler.  La préparation du corps est une étape qui m’a toujours intéressé, les échauffements, les isolations. Cette concentration sur une partie du corps. Déstructurer le corps pour mieux le structurer. Un travail en abstraction que j’ai réalise dans une série qui s’intitule, le corps chorégraphié, que j’ai commencé en 2014.  Finalement il est de nouveau question de plein et de vide, du cosmos et de l’intime, de la lumière et de l’ombre, etc… 

L’être humain n’est-il pas lui même ancré dans un phénomène naturel d’opposition; cosmique pour la partie supérieure et tellurique pour la partie inférieure du corps.

Louise Coussieu-Baylac:

 

En voyant tes oeuvres j’ai beaucoup pensé à l’ouvrage « du spirituel dans l’art et dans la peinture en particulier » de Kandinsky. J’ai donc ressorti mon vieux livre et suis tombée sur cette citation dans la préface de Philippe Sers de 1988:  

« Une oeuvre d’art n’est pas belle, plaisante, agréable. Elle n’est pas là en raison de son apparence ou de sa forme qui réjouit nos sens. La valeur n’est pas esthétique. Une oeuvre est bonne lorsqu’elle est apte à provoquer des vibrations de l’âme, puisque l’art est le langage de l’âme et que c’est le seul. »

« L’art peut atteindre son plus haut niveau s’il se dégage de sa situation de subordination vis-à-vis de la nature, s’il peut devenir absolue création et non plus imitation des formes du modèle naturel. »

Ton travail est très figuratif alors qu’il représente des notions métaphysiques très abstraites. Pourquoi tu utilises tant de références à l’objet pour représenter l’immatériel? 

Virginie Hucher: 

L’opposition, la dualité, les extrêmes se définissent dans les thèmes que j’utilise dans mon travail et pour aller encore plus loin dans cette démarche, je peins autant abstrait que figuratif. J’ai toujours utilisé l’un ou l’autre selon l’idée, le concept que je souhaitais représenter. Par exemple, une oeuvre que j’ai réalisée au printemps 2019, qui s’intitule « swimming pool » présente lors de cette exposition, est une oeuvre entre abstraction et figuration, comme une pixelisation du paysage. La piscine est un thème récurrent dans mon travail et dans mes rêves personnels depuis l’enfance. Beaucoup de symbolisme existe autour de la piscine, elle reflète par exemple la qualité de nos relations sociales entre autres, et l’eau dépeint les sentiments véhiculés entre nous et les autres. D’ou cette idée de paysage « social » pixelisé, ou encore divisé en de multiples petits carrés (carreaux) de couleur unie. 

Louise Coussieu-Baylac:

 

Je trouve ce mur de nez particulièrement intéressant. 

Encore une fois, j’en reviens à Kandinsky (je ne me suis pas arrêtée qu’à la préface…) qui considère le triangle comme la représentation même de la spiritualité. La base la plus large serait la foule, la majorité de la population. Dans toutes les sections du triangle se trouvent des artistes, et ceux qui parviennent à voir au-delà de leur section est un prophète pour leur entourage, car ses nouvelles connaissances et « ouvertures d’esprit » influenceront. Ce processus favorise l’évolution des mentalités, de la réflexion et donc de la spiritualité.

Le nez c’est ce que l’on voit en premier chez l’autre, ce qui s’avance vers nous, qui nous différencie aussi parfois mais surtout nous humanise. C’est la partie que l’on martèle en premier sur les statue pour ne pas qu’on reconnaisse une figure d’autorité. C’est par là que l’âme s’échappe si l’on éternue. Et sa base est l’endroit de l’oeil intérieur ou oeil de l’âme. 

Dis nous en plus sur ce mur et ta volonté de redonner du souffle à l’inanimé… De donner du sentiment à la matière…

Virginie Hucher:

Le nez est ce qui se voit en premier sur un visage, du moins c’est la partie qui ressort le plus en volume, plus ou moins chez certains. Il caractérise de ce fait le lien social, cette proximité vers l’autre. 

Le souffle vital est une installation de 69 nez réalisés en faïence installée pour la première fois l’année dernière, à Metz, à la Galerie des jours de lune, de Vivianne Zenner, dans le cadre d’une exposition personnelle, intitulée le corps chorégraphié. Pour faire sens, l’installation était accrochée à côté d’une toile, intitulée le sacre du printemps. Ce ballet est une oeuvre de rupture de soi pour les autres, vers les autres. Un sacrifice orchestré par Igor Stravinsky.

J’ai tenté de traduire le souffle, la vie qui anime l’être de tout son corps et de toute son âme dans sa relation avec soi et sa relation avec l’autre et les autres. Cette verticalité nasale rythme la composition et se positionne encore une fois dans un axe net terre-ciel. Dans l’inspiration, c’est le monde extérieur que l’on introduit en nous, et dans l’expiration c’est l’intime qui s’offre au monde. Cette respiration, ce souffle intérieur- extérieur symbolise finalement cette idée du corps et l’autre.

Rendre l’invisible, visible.

Louise Coussieu-Baylac:

 

La danse, la peinture, la sculpture…

Cette pluridisciplinarité est-elle pour toi essentielle pour aller au bout de ton processus de recherche? 

Virginie Hucher: 

 

Quand je danse, je pense danse mais aussi peinture, dessin, volume etc… Je peins ce que je vois, ce que j’entends, ce que je ressens lors des voyages, de moments de vie etc… Tout est lié, tout est possible. Pour peindre la danse, il faut danser, pour dessiner l’eau, il faut devenir cette eau, tout sentir et ressentir. 

Je visualise, je procède par différentes réalisations de croquis dans des carnets. Tout comme dans ma série supports vivants, le dessin sur le sol, sur la neige, le sable, la terre, l’air et l’eau m’emportent dans une danse sur un support naturel pour mieux ressentir la forme, la composition. A ce moment je cristallise le moment en photographiant ou en filmant. Puis je m’en sers à l’atelier. Tout est fabrique du vivant! 

TV Moselle & Virginie Hucher

France, janvier 2023

Voir l’interview sur YouTube

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Perrine Bonafos & Virginie Hucher

France, juin 2022

SUR LES TRACES DE VIRGINIE HUCHER

FOLLOWING IN VIRGINIE HUCHER’S FOOTSTEPS

À travers son processus créatif proche de la performance, Virginie Hucher se libère en conjuguant danse et dessin.
Elle raconte la nature par ses toiles. Rencontre avec une créatrice qui se donne corps et âme pour narrer l’essence du vivant.

Virginie Hucher frees herself by combining dance and drawing through her creative process resembling a performance. She tells the story of Nature through her soft abstract canvases. An encounter with a creative talent who devotes herself body and soul to narrating the essence of life.

« La danse est la première forme d’art qui s’est proposée dans mon cheminement artistique. Puis, très vite, la peinture s’est révélée comme une évidence tout en continuant de danser. »

“ Dance is the first art form I came across on my artistic path. Very quickly thereafter, while continuing to dance, painting became an obvious choice. ”

Virginie, vous avez suivi une formation artistique. Votre appétence pour l’art s’est imposée tôt dans votre parcours ? C’est par la découverte du monde que la création est arrivée. Chaque moment de vie marque un futur acte de peindre, sculpter, dessiner et danser. La danse est la première forme d’art qui s’est proposée dans mon cheminement artistique. Puis, très vite, la peinture s’est révélée comme une évidence tout en continuant de danser. Danser me permet de faire corps avec la vie, de saisir les pleins et les vides, le corps et l’âme du vivant. Cette chorégraphie du vivant me permet de laisser la création opérer. C’est devenu mon processus créatif, une performance que j’ai nommée Supports vivants.

Virginie, you have an artistic background. Was your interest in art apparent early in your career?
It was through the discovery of the world that creation emerged. Every moment of life marks a future act of painting, sculpting, drawing and dancing. Dance is the first art form I came across on my artistic path. Very quickly therafter, while continuing to dance, painting became an obvious choice. Dancing allows me to be at one with life, to upstrokes and downstrokes, the body and soul of all things living. This choreography of life itself enables me to let crea- tivity run free. It has become my creative process, a performance that I have named Living Supports.

Les formes organiques que vous peignez racontent votre atta- chement à la nature. Pourquoi l’abstrait semble-t-il être le meil- leur moyen de retranscrire vos aspirations et questionnements ?

C’est peindre l’essence des choses qui m’intéresse, et non les représen- ter, du moins dans cette série de formes qui s’intitule Histoires naturelles, car il arrive que d’autres séries soient plus figuratives. La danse s’inscrit dans une démarche de libération du corps et de l’esprit et d’improvisa- tion totale in situ, pour laisser la spontanéité libre et observer l’ensemble grâce à des photos et vidéos. Ensuite, j’utilise cette matière pour étudier les croquis réalisés sur ce que j’appelle les Supports vivants. Il s’agit donc d’un médium à part entière, qui me sert d’appui pour mes créations sur papier, sur toile et en céramique. C’est un processus créatif qui libère et qui induit d’autres formes d’art. La nature est un thème récurrent dans mon travail parce que je vis et travaille dans la nature. Le corps est très présent également dans mes recherches en passant par la danse et aussi par l’idée taoïste, c’est-à-dire qui se fonde sur l’existence d’un principe à l’origine de toute chose, la naissance, etc.

The organic forms you paint express your attachment to Nature. Why does the abstract seem to be the best way to transcribe your aspirations and questionings?
I am interested in painting the essence of things and not in repre- senting them, at least in this Natural Stories series of forms because sometimes other series are more figurative. Dance is part of a pro- cess of liberation of the body and mind and of total improvisation in situ, to give free rein to spontaneity, and to observe everything through photos and videos. Afterwards, I use this material to study the sketches made on what I call Living Supports. This is therefore a medium in its own right, which serves as a support for my creations on paper, canvas and ceramic. It is a creative process that liberates and induces other art forms. Nature is a recurring theme in my work, because I live and work in it. The body is also very present in my research, through dance, and also through the Taoist idea that is based on the existence of a principle at the origin of all things, on birth, etc.

En créant, vous vous engagez corps et âme. De quoi avez-vous besoin pour créer ?
La nature m’offre tous les jours le monde entier ! Mon atelier est situé à l’orée d’une forêt de pins, de bouleaux et d’autres belles essences dans les Hauts-de-France. Il y a une mare, et je peux observer chaque jour ce spectacle vivant. Il me serait difficile de créer sans un arbre, le bruit du vent, le chant des oiseaux. Cependant, les voyages et la découverte de nouveaux espaces de vie sont indissociables de la création. L’atelier est le royaume des rencontres et des expériences !

When you create, you commit yourself body and soul. What do you need to create?
Nature offers me the whole world every day! My studio is located on the edge of a forest of pine, birch and other beau- tiful species in the Hauts-De-France area. There is a pond, and I can observe this live show every day. It would be diffi- cult for me to create without a tree, without the sound of the wind, the song of the birds. However, travel and the disco- very of new living spaces are inseparable from creation. The workshop is the kingdom of encounters and experiences!

« La nature
est un thème récurrent dans mon travail parce que
je vis et travaille dans la nature. »

“ Nature is a recurring theme in my work, because I live
and work in it. ”

Au cœur de la capitale, vos œuvres vibrent. Quelle est votre relation avec Paris ?
Je suis née à Paris, et j’ai grandi entre la région parisienne et un char- mant village dans les Hauts-de-France, un paysage altéré, oscillant entre la ville et la nature, une sorte d’équilibre pour l’imaginaire. J’ai suivi des études artistiques à Paris jusqu’à l’université en arts plas- tiques. Et ensuite, une spécialisation en esthétique de l’art et en arts appliqués. Parallèlement à mes études, j’ai réalisé des expériences dans le domaine de l’architecture intérieure et de la mode, et fré- quenté des ateliers d’artistes tels que Bruno Lebel pour m’enseigner le dessin notamment. Être représentée et exposée à Paris (chez Amélie, Maison d’art) me permet de perpétuer cette trame originelle qui m’apporte de l’équilibre et qui contribue aux chemins possibles dans ce que j’appelle « mon musée imaginaire ».

Your works resound in the heart of the capital. What is your relationship with Paris?
I was born in Paris, and I grew up between the Paris region and a char- ming village in the Hauts-De-France, an altered landscape, oscillating between the city and nature, a kind of equilibrium for the imagination. I pursued artistic studies through to university in the field of plastic arts.. This was followed by a specialization in the esthetics of art, and in applied arts. In parallel to my studies, I experimented in the field of interior architecture and fashion, and attended artists’ studios, such as Bruno Lebel who taught me drawing. Being represented and exhi- bited in Paris (at Amélie, Maison d’art) enables me to perpetuate this original framework which brings me equilibrium and contributes to the possible paths in what I call my imaginary museum.

À quoi travaillez-vous en ce moment et quels sont vos projets ?

En ce moment, j’expose une nouvelle série intitulée Les Âmes du monde, à Paris et je prépare en parallèle une autre exposition intitulée Fertilitas, à la Galerie des Jours de Lune, à Metz. Je travaille actuellement à la conception de mon nouvel atelier qui me permettra de réaliser des formats monumentaux, avec un espace sculpture plus important et un autre pour la réalisation in situ des performances côté jardin et forêt.

What are you working on at the moment and what are your plans?
At the moment I am exhibiting a new series entitled Les Âmes du monde in Paris, and I am also preparing ano- ther exhibition entitled Fertilitas at the Galerie des Jours de Lune in Metz. I am also currently working on the conception of my new studio which will allow me to produce monumental formats, with a bigger sculpture area and another one for the realization of in situ performances in the garden and the forest.

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Marimekko & Virginie Hucher

Finland, octobre 2021

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Marimekko /The strategy period of 2023-2027 (look at 6:34)

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Hunter & Folk & Virginie Hucher

Australie, juin 2022

Virginie Hucher’s work focuses on themes related to nature, the body and the living, through the mediums of arylics, oils, performance and sculpture.

Hi Virginie, what led you to where you are today?

Virginie: It was through the discovery of the world that creation emerged. Every moment of life marks a future act of painting, sculpting, drawing and dancing. Dance is the first art form I came across on my artistic path. Then very quickly, while continuing to dance, painting became an obvious choice. Dancing allows me to be at one with life, to capture fullness and emptiness, the body and soul of the living. This choreography of all living things enables me to let my creativity run free. It has become my creative process, a performance that I have named Living Supports.

Do you have a disciplined studio routine and any rituals to help keep you focused?

A direct view of the forest, tea and music. Each day and night are very different. I listen and welcome that rhythm.  

As an artist, what’s the best lesson you’ve learnt along the way?

To keep dancing! Observing the world, transforming it and offering it again to the world – life is eternal music.

What drives your creativity?

Nature offers me the whole world every day!My studio is located on the edge of a forest of pine, birch and other beautiful species in the Hauts-De-France. There is a pond, and I can observe nature’s live show every day. It would be difficult for me to create without surrounding nature, without the sound of the wind and the songs of the birds. However, travel and the discovery of new living spaces are inseparable from creation. My workshop is the kingdom of encounters and experiences!

Is this your dream job?

I don't feel like I have a job, it's more of an art of living, a different way of living. A vocation. This requires organisational requirements, but above all, it’s about listening and observing the world. It's not a ‘dream’, it's life that presented itself in this way, and I welcome it with all my soul and heart.

What is it about abstract art that you’re most drawn to?

I’m interested in painting the essence of things and not in representing them, at least in this Natural Stories series of forms because sometimes other series are more figurative. Dance is part of a process of liberation of the body and mind and of total improvisation insitu, to give free rein to spontaneity, and to observe everything through photos and videos. Afterwards, I use this material to study the sketches made on what I call Living Supports. This is a medium in its own right, which serves as a support for my creations on paper, canvas and ceramics. It’s a creative process that liberates and induces other art forms. Nature is a recurring theme in my work, because I live and work in nature. The body is also very present in my research, through dance, and also through the Taoist idea that’s based on the existence of a principle at the origin of all things and on birth, etc.

“It would be difficult for me to create without the surrounding nature, without the sound of the wind and the songs of the birds.”

— VIRGINIE HUCHER

Your work features very earthy colours, why are you so drawn to these tones?

I’m sensitive to the essence of things. That's why the colour palette I use is close to the colours of nature - driven by the desire to get as close as possible to the sensitive and the living.

In my workshop there is a specific place for the creation of colour, which I’ve always liked to call, ‘the colour laboratory’, which opens onto a large window offering a view of the forest in my garden. The light comes from the north, it’s a reflected light, because it bounces off something before illuminating. It doesn’t illuminate directly, it diffuses.

What is the biggest influence behind your paintings?

Everything can be inspirational, it’s above all necessary to channel and organise the different elements, which is why I work with notebooks, photos and videos. I record everything as much as possible, let it sit, and then come back to it, months, or sometimes years later.

Nature is a recurring theme in my work, because I live and work in nature, and because I travel a lot, often for the Supports Vivants series.

My artistic influences are very diverse and vary a lot, due to the moment or my frame of mind: Constantin Brancusi, Fabienne Verdier, italian renaissance, Henry Mooresculptures, Marta Pan, Jean Arp, Picasso, Matisse’s series on dance, Pina Bausch and Maurice Béjart’s choreographies, african music, Serge Gainsbourg and Cocteau. As I said, it’s an answer that can truly vary depending on the moment, but they are my main pillars, no matter what. 

What are you looking forward to most this year?

This year is a very special year with a lot of artist residency trips where I will work differently and leave the studio to recharge my batteries in other spaces. Above all, there’s the design and the self-construction of my new workshop, which will be finished soon – it will be located in the same garden as my current workshop, between a 12th Century church and a very beautiful forest. I’m also preparing an exhibition titled, Inspiré d'une histoire vraie [Inspired by a True Story].

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Femmes d’Art & Virginie Hucher

France, décembre 2019

“ Tout commence par un premier dessin grandeur nature, que je réalise en extérieur. En tant que danseuse, je me sers de mon corps pour mesurer l’impact d’une forme sur un support vivant. Ce peut être sur du sable par exemple.” Virginie Hucher

Virginie Hucher est une artiste plasticienne qui évolue entre le dessin, la peinture, la photo et la céramique. Passionnée par la danse depuis toute petite, elle s’inspire des mouvements des corps et de leur rapport au monde, mais aussi de la nature où ses créations prennent la plupart du temps leur source. Transformé en “scène d’enquête”, son atelier regorge de photos, de calques et de coupures de presse, créant un univers dans lequel elle s’immerge pour imaginer sa prochaine réalisation. Puis débute alors un processus créatif à la fois profondément réfléchi mais aussi très instinctif, dont elle nous parle, entre autres choses, dans cette interview captivante.

FDA : Pour ceux qui ne vous connaissent pas, qui êtes-vous ?

Virginie Hucher : Je suis une artiste plasticienne. Originaire de Paris, j’ai créé en 2010 une maison-atelier en Picardie où j’habite aujourd’hui.

FDA : Quel est votre parcours ?

Virginie Hucher : J’ai étudié les arts plastiques à Paris 8 et je suis également diplômée d’arts appliqués. Avec ces deux diplômes en poche, j’ai commencé à travailler avec des décorateurs ou des stylistes sur différents projets, comme la réalisation de décors pour des défilés de mode de haute couture par exemple. Je suis aussi danseuse, depuis mes deux ans, ce qui n’est pas tout à fait un hasard puisque ma mère avait une école de danse en Seine-Saint-Denis. Très tôt, j’ai traîné dans les coulisses, entre le maquillage et les costumes. Cela m’a beaucoup apporté au niveau des formes et des couleurs. C’est aussi à ce moment-là, je pense, que j’ai commencé à développer une sensibilité pour les corps, que l’on retrouve aujourd’hui dans mon travail.

FDA : Travail ou vocation ?

Virginie Hucher : Je dirais vocation… et travail ! Car sans travail, avoir une vocation ne sert à rien. Pour moi, la création est un acte naturel, quotidien mais qui nécessite de s’y atteler chaque jour sans exception, de répéter, d’essayer, d’innover, et de continuer, jusqu’à s’améliorer encore et encore. 

FDA : Comment définiriez-vous votre travail ? 

Virginie Hucher : Mon travail est à mi-chemin entre l’abstraction et la figuration. Il est pluriel, en recherche constante, il interroge sur la relation des corps et de l’espace. 

FDA : Quel est votre processus de création ? 

Virginie Hucher : Tout commence par un premier dessin grandeur nature, que je réalise en extérieur. En tant que danseuse, je me sers de mon corps pour mesurer l’impact d’une forme sur un support vivant. Ce peut être sur du sable par exemple. Cela me permet de mesurer les proportions, de percevoir l’harmonie des formes, ce qui est possible ou ce qui ne l’est pas, ce qui fonctionnera ou pas sur une toile. J’ai besoin de me retrouver seule face à un support qui me dépasse, de me sentir petite par rapport à lui, jusqu’à ce que je le maîtrise enfin. Bien sûr, ce premier temps de création est soit filmé, soit photographié, pour garder une trace de mon croquis dans sa version initiale. Ensuite, je retourne à l’atelier, qui me sert de véritable laboratoire. À chaque nouvelle création, je le repeins en blanc, ce qui me permet d’épurer, pour mieux me concentrer sur mon nouveau projet. Puis je recouvre les murs d’images, de photographies de mes voyages en Islande ou en Norvège, de textes, de calques… Ils deviennent des moodboards géants, à la manière d’une véritable scène d’enquête ! Je ressors les vidéos de mon dessin initial, et je le projette en grand dans mon atelier, ce qui me permet de mieux m’approprier les gestes. Puis, je me mets à travailler en peinture.

FDA : Quelle sont vos inspirations ? 

Virginie Hucher : Je préfère plutôt parler de coup de coeur que d’inspiration, et il y en a beaucoup ! D’un ballet de Pina Bausch, à la visite d’une expo en passant par une randonnée, je capte tout. J’ai par exemple redécouvert récemment le travail de Kiki Smith grâce à la superbe exposition qui lui est consacrée en ce moment même à la Monnaie de Paris.

FDA : Avez-vous le sentiment que le fait d’être une femme à un impact sur votre travail ?

Virginie Hucher : Je pense que chaque personne a en elle une part de féminin et de masculin. C’est quelque chose que je ressens beaucoup chez moi, et j’ai le sentiment d’écouter l’une et l’autre de ces facettes. Cela étant, mon travail n’a rien de très féminin ou de très masculin, et je ne me limite pas à telle ou telle couleur ou forme parce que je suis une femme par exemple. La création est quelque chose de très personnel, c’est une question d’idée avant tout. Et je pense que même si j’étais un homme, j’aurais les mêmes idées. D’un point de vue artistique, il ne doit selon moi pas y avoir de différences entre femme et homme. 

FDA : Une artiste à nous recommander ? Pourquoi ? 

Virginie Hucher : La liste est longue… Mais s’il y en a une qui me touche particulièrement, c’est Fabienne Verdier, pour son chemin spirituel et sa représentation de l’art. Parce qu’elle cherche et qu’elle trouve ! Sa démarche, sa vie, son oeuvre et la femme qu’elle est. Regarder une oeuvre de Fabienne Verdier, c’est capturer l’énergie de l’artiste.

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Oh my cream & Virginie Hucher

France, septembre 2021

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